L’ «une des métaphores classiques consiste à comparer la ville au corps, à un organisme vivant. La ville est, en effet, un être vivant qui grandit, change, se modifie en fonction des événements historiques, sociaux, politiques, culturels, etc. Ainsi, plusieurs noms et qualificatifs du domaine de l’anatomie humaine sont appliqués à la ville, comme par exemple « le cœur » de la ville, « le centre névralgique » ; « les artères » ; les parcs, jardins et espaces verts deviennent « les poumons » de la grande ville ; et le marché, d’après le titre du roman d’Émile Zola, devient Le Ventre de Paris. Quelques sémioticiens, comme Roland Barthes ou Italo Calvino, font allusion à cette conception de la ville en tant qu’être vivant. D’autre part, la métropole postmoderne apparaît comme un espace déshumanisé, un lieu dépourvu d’affectivité, qui a perdu sa signification anthropologique, ce qui est à l’origine du terme « non-lieu » de Marc Augé1. »

La ville a des fonctions

Les fonctions économiques, la fonction de travailler ou de s’amuser, de se rencontrer, de dépenser, d’éduquer ou de se déplacer d’un endroit à un autre, que remplissent quelques lieux ou éléments urbains comme le marché, les écoles, la banque, les rues et les boulevards, les grands magasins, etc. Le Corbusier avait cerné le phénomène : la ville fonctionnelle établit les quatre grandes fonctions humaines : habiter, travailler, se divertir et circuler. Ce sont là les conditions d’existence dans la ville moderne, qui doivent permettre l’épanouissement harmonieux de ces fonctions fondamentales.

La rue n’est pas conçue pour l’homme

« Prenons le mot rue : on préfère souvent employer le terme plus « noble » d’« artère » ou de « voie de circulation » : d’une part, ces expressions ne sont pas aussi neutres qu’on le suppose ; elles relèvent de métaphores organicistes ; de toute évidence, elles assimilent la cité à un être vivant. D’autre part, si elles entendent affirmer le primat de la fonction, elles deviennent contestables, elles impliquent qu’il est conforme à l’ordre social de livrer la rue à la seule circulation, à une circulation qui en chasserait les hommes2. »

Puisque la ville change, grandit et se modifie en fonction des événements historiques, sociaux, politiques ou culturels, elle peut être comparée à un organisme vivant. Ce faisant « la comparaison avec l’organisme vivant dans l’évolution de l’espèce […] peut nous dire quelque chose d’important sur la ville : comment en passant d’une ère à l’autre les espèces vivantes ou adaptent leurs organes à de nouvelles fonctions ou disparaissent.

La même chose se passe avec la ville. Et il ne faut pas oublier que, dans l’histoire de l’évolution, chaque espèce garde avec elle des traits qui semblent les vestiges d’autres traits, puisqu’ils ne correspondent plus aux nécessités vitales […]. Ainsi, la continuité d’une ville peut reposer sur des caractères et éléments qui, à notre avis, ne sont pas indispensables aujourd’hui parce qu’ils sont oubliés ou contre-indiqués pour son fonctionnement actuel3. »

Sous la surface, sous la peau de la cité, il y a ses entrailles : « les souterrains, les égouts, les tunnels dans lesquels circule le métro. Les voies du métro sont […] les intestins ferrés qui courent à travers l’âme de la grande ville ; et la station souterraine, un « immense utérus palpitant4. »

© Georges Vignaux (PhD), 2019 / texte
© Pierre Fraser (PhD), 2018 / photos

Références

1 Catalán, R. C. (2011), « La ville en tant que corps : métaphores corporelles de l’espace urbain », TRANS- [En ligne], mis en ligne le 08 février 2011, consulté le 15 octobre 2016, URL : http://trans.revues.org/454 ; DOI : 10.4000/trans.454.
2 Sansot, P. (1973), Poétique de la ville, Paris: Éditions Klincksieck, p. 11.
À3 Calvino, I (1995), « Los dioses de la ciudad », Punto y aparte : Ensayos sobre literatura y sociedad », trad. de Rocío Peñalta Catalán, Barcelona : Tusquets, p. 310.
4 Umbral, F. (2007), Mortal y rosa, Madrid : Cátedra, p. 127.

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