
« Votre patron, Madame (Anne Adams, n° 4367 – 10 janvier 1940)
Les jeunes filles et les femmes à la mode savent qu’il n’est pas nécessaire d’être chic seulement en société, mais aussi dans la maison, et c’est pourquoi Anne Adams se préoccupe aussi des styles qui avantagent les maîtresses de maison. Lorsqu’un visiteur inattendu arrive, vous pouvez sans honte le recevoir si vous êtes vêtue d’une robe comme celle-ci, croquante comme du céleri, fraîche comme une fleur, aussi fantaisiste qu’une robe d’après-midi, sauf que le tissu diffère. Les poches sont en forme de pots de fleurs, six gentils boutons ornent la taille, qui est soulignée par un large ceinturon se bouclant en arrière1.»
Cette publicité parue dans le journal Le Soleil de Québec le 10 janvier 1940 peut aujourd’hui surprendre par la description de la robe et de son utilité au quotidien pour la maîtresse de maison, surtout lorsqu’un visiteur inattendu arrive à l’improviste, c’est-à-dire que la robe doit, presque en toutes circonstances, même dans le train-train du lavage, du repassage, du ménage et de la confection des repas, avantager la femme. Autrement dit, les repères visuels qui constituent cette robe s’inscrivent dans une époque qui a ses propres codes sociaux. Concrètement, cette robe possède quatre propriétés distinctives qui l’inscrivent dans la décennie de la Seconde Guerre mondiale, soit sa visibilité en tant que mise en évidence d’une morphologie féminine, sa pertinence pour l’action en tant que maîtresse de maison, sa distinctivité en ce qu’il est impossible de la confondre avec un autre type de vêtement, sa disponibilité quant à sa relative stabilité relative dans l’environnement vestimentaire du début des années 1940.
En fait, la mode féminine des années 1940 a été influencée par les besoins pratiques de l’époque, en raison de la Seconde Guerre mondiale et de la pénurie de matières premières. Au début de la décennie, les vêtements étaient conçus de manière à être pratiques et faciles à porter, avec des épaules larges et des jupes courtes ou juste au-dessous du genou. Les robes et les jupes étaient souvent dotées d’une taille empire, qui était plus confortable et pratique pour les femmes qui travaillaient dans les usines2.
À mesure que la guerre a progressé, la mode féminine s’est tournée vers des styles plus féminins et glamour, avec l’accent mis sur les formes pleines, les courbes et la silhouette en sablier. Cela a été reflété dans la popularisation de la silhouette « New Look » de Christian Dior3, qui mettait en valeur la taille avec une ceinture cintrée et une jupe large et évasée tombant au-dessous du genou, sans compter que les vêtements féminins des années 1940 étaient souvent accompagnés d’accessoires tels que des chapeaux à larges bords, des gants, des chaussures et des sacs à main colorés ou ornés de détails complexes. Les imprimés étaient également populaires, avec des robes et des blouses colorées et imprimées de fleurs ou de motifs géométriques.
En résumé, la mode féminine des années 1940 était pratique et fonctionnelle au début de la décennie, mais est devenue plus féminine et glamour vers la fin de la décennie, avec l’accent mis sur les formes pleines et la silhouette en sablier. Et lorsque Anne Adams signale qu’il s’agit d’une « robe croquante comme du céleri et fraîche comme une fleur » pour la maîtresse de maison, elle met bien en évidence les repères visuels de celle-ci à travers une description qui cherche à avantager la femme, c’est-à-dire en mode séduction même dans le quotidien de l’entretien ménager.
© Pierre Fraser (PhD), sociologue / 2022
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