
Les embûches pour réaliser un documentaire sont nombreuses, ne serait-ce que sur le plan technique, mais celle qui risque de faire perdre le contrôle sur la trame narrative survient du moment où il s’agit de faire un documentaire qui prêche à des convertis, car il risque d’être noyauté par des intérêts différents que ceux du réalisateur. En somme, s’il s’agit de faire un documentaire pour payer ses factures à la fin du mois, il suffit de s’associer à des gens qui ont une vision du monde à proposer. Autrement, le fait de réaliser des documentaires guidés par les méthodes de la sociologie filmique relève alors d’une véritable démarche objective qui, avec le temps, permet d’asseoir la crédibilité du réalisateur, conduisant éventuellement à assurer une certaine sécurité financière.
Tout d’abord, le documentaire à dimension sociale peut être utilisé pour mettre en lumière des problèmes sociaux et sensibiliser le public à différents problèmes. Cela peut être particulièrement important lorsque ces problèmes sont ignorés ou mal compris par le grand public. Toutefois, il faut éviter de prêcher à des convertis (l’erreur la plus commune et fréquente) et/ou de faire dans le sensationnalisme comme le propose le cinéaste américain Michael Moore avec ses documentaires.
Deuxièmement, le documentaire à dimension sociale peut être utilisé pour documenter et rappeler des événements historiques importants et pour conserver la mémoire de ces événements. Cela peut aider à préserver notre patrimoine culturel et à mieux comprendre notre passé. En conservant ces souvenirs et en les partageant avec le public, le documentaire peut contribuer à notre compréhension collective de notre propre culture. Par exemple, la série documentaire Requiem pour une église que j’ai réalisée, dans le cadre de la disparition accélérée du patrimoine religieux bâti au Québec, entre dans cette catégorie.
Troisièmement, le documentaire à dimension sociale peut être un moyen de créer de l’intérêt à propos d’un phénomène social afin de susciter des changements susceptibles d’améliorer une situation. En informant le public sur certains problèmes sociaux, par exemple celui de l’accessibilité pour des personnes présentant certains types de handicaps, et en lui montrant comment ces problèmes affectent les gens de manière concrète, le documentaire peut être un puissant outil de mobilisation et de changement social.
Quatrièmement, le documentaire à dimension sociale peut être un moyen pour les réalisateurs de s’engager personnellement et de faire entendre leur voix sur des sujets qui leur tiennent à cœur. En utilisant leur talent et leur expertise pour raconter des histoires socialement significatives, les réalisateurs peuvent faire une différence dans la vie de certaines personnes. Par exemple, en 2018, j’ai réalisé un documentaire sur la possibilité d’implanter un bain portuaire au Bassin Louise à Québec. Quatre ans plus tard, en 2022, le documentaire aura atteint son but, comme le souligne Michel Beaulieu, porte-parole de la Société des Gens de Baignade dans la vidéo ci-dessous.
Enfin, le documentaire à dimension sociale peut être un moyen de divertissement et de partage de connaissances pour le public. En proposant des histoires captivantes et en informant sur des sujets d’intérêt public, le documentaire peut être un moyen de sensibiliser et d’éduquer le public tout en lui offrant une expérience filmique enrichissante.
© Pierre Fraser (PhD), sociologue / 2023