
Ces trois icônes de l’alimentation française transcendent leur simple fonction nourricière pour devenir des signes culturels et symboliques d’une certaine histoire de la France. Si la baguette de pain reflète l’histoire sociale et économique du pays, si le fromage, quant à lui, est profondément enraciné dans les traditions agricoles et rurales françaises, le vin rouge, pour sa part, symbolise non seulement le savoir-faire viticole français, mais renvoie aussi à une certaine façon de vivre empreinte de plaisir.

Trinité sacrée
Ô délices de la table, trinité sacrée,
Symboles enchantés de la France éternelle,
La baguette de pain, le fromage et le vin rouge,
Vos noms résonnent comme un chant dans les cieux.
Qu’il est doux, le parfum de la baguette fraîche,
La promesse dorée d’une mie tendre et chaude,
Sa croûte croustillante, fine et bien dorée,
Dévoile en son secret les merveilles de la pâte.
Des champs de blé doré jusqu’à nos tables fières,
La baguette est le lien de notre patrimoine,
Témoin des siècles passés, de l’artisanat pur,
Elle incarne l’essence même de notre âme.
Et toi, noble fromage, d’une variété infinie,
Dans ta diversité, tu charmes tous les palais,
Du Camembert fondant au goût suave et crémeux,
Au Roquefort puissant, bleu comme les cieux.
Au-delà de tes formes, c’est ton histoire qui parle,
Chaque région est fière de son précieux trésor,
De la Normandie aux Alpes, des plaines aux vallées,
Tu es l’âme de nos terroirs, le reflet de nos vies.
Le vin rouge, roi des nectars et des plaisirs,
De tes vignes se dessine l’essence de nos terres,
Dans les verres cristallins, ton élixir s’écoule,
Rouge comme le sang qui anime nos cœurs ardents.
Bordeaux, Bourgogne, Champagne et tant d’autres,
Chacune offre au monde sa palette de saveurs,
Fruits mûris par le soleil, caressés par le vent,
Tu enchantes les papilles, tu nourris nos rêves.
Baguette, fromage, vin rouge, trinité sacrée,
Icônes immortelles de notre gastronomie,
Symboles d’une nation fière et passionnée,
Vous demeurez gravés dans notre mémoire infinie.
© Nadine Herzog, 2023

Ces trois icônes de l’alimentation française transcendent leur simple fonction nourricière, signes culturels d’une certaine symbolique de la France. Si la baguette de pain reflète l’histoire sociale et économique du pays, si le fromage, quant à lui, est profondément enraciné dans les traditions agricoles et rurales françaises, le vin rouge, pour sa part, symbolise non seulement le savoir-faire viticole français, mais renvoie aussi à une certaine façon de vivre empreinte de plaisir. Autrement, d’un strict point de vue sémiologique, la baguette de pain peut être interprétée comme un symbole de tradition et de l’art de vivre à la française : sa forme allongée et sa croûte croustillante évoquent l’artisanat et le savoir-faire des boulangers, mais elle représente également la convivialité et le partage, car souvent partagée lors des repas en famille ou entre amis — ainsi, la baguette de pain devient un signe de l’identité culturelle et gastronomique française. Le fromage, quant à lui, incarne la richesse et la diversité culinaire de la France : avec ses différentes textures, saveurs et variétés régionales, le fromage symbolise la tradition artisanale, le terroir et l’attachement à la terre, car chaque fromage français possède une identité propre, liée à une région spécifique, renforçant d’autant son statut d’emblème de l’authenticité culinaire française, souvent associé à des moments de dégustation prolongés, favorisant les échanges et les plaisirs gustatifs. Enfin, le vin rouge, souvent perçu comme le couronnement de l’art de la gastronomie française, représente non seulement l’élégance, la sophistication et l’harmonie des saveurs, mais est aussi souvent considéré comme le compagnon idéal de tout repas, apportant convivialité et célébration à la table.



Si, Balzac, dans ses romans, a accordé une telle attention aux détails et aux aspects réalistes de la vie de ces personnages, y compris leurs repas et leurs habitudes alimentaires, il a montré comment le pain était au centre des repas modestes et quotidiens des classes populaires de l’époque, associé à la subsistance et à la nécessité plutôt qu’au plaisir gastronomique, alors que le fromage, généralement présenté comme un élément de repas plus raffiné, était souvent lié à des moments de convivialité, de rencontres ou de repas plus élaborés réservés aux classes sociales plus aisées. Chez Balzac, le vin est présenté comme marqueur social : les personnages de la haute société, souvent représentés comme des connaisseurs de vin, sont capables de distinguer les différents cépages et appellations, et de discuter de leurs caractéristiques avec expertise. En revanche, les personnages des classes inférieures ou des milieux modestes sont plus susceptibles de consommer des vins plus simples et moins coûteux, souvent présentés comme une source de réconfort et de plaisir pour les classes laborieuses, mais aussi comme une échappatoire à leur réalité quotidienne. Il fera également du vin un reflet des pulsions humaines et des conflits intérieurs de ses personnages qui succombent à son ivresse, conduisant par là à des comportements excessifs, à des ruptures sociales ou à des tragédies.



Un souper à la pension Vauquer
« Assis au bas-bout de la table, près de la porte par laquelle on servait, le père Goriot leva la tête en flairant un morceau de pain qu’il avait sous sa serviette, par une vieille habitude commerciale qui reparaissait quelquefois. »
— Eh bien, lui cria aigrement madame Vauquer …, est-ce que vous ne trouvez pas le pain bon ?
— Au contraire, madame, répondit-il, il est fait avec de la farine d’Étampes, première qualité.
— À quoi voyez-vous cela ? lui dit Eugène.
— À la blancheur, au goût.
Bien avant Bourdieu, Balzac avait bien saisi que la nourriture établit et maintient des distinctions sociales. Toutefois, Bourdieu, dans son ouvrage majeur La Distinction : critique sociale du jugement, a fort bien formalisé comment la notion de goût et la manière dont sont effectués certains choix culturels sont déterminés par des facteurs sociaux, économiques et symboliques. Même si Bourdieu n’a jamais explicitement traité du pain, du vin et du fromage, il n’en reste pas moins que les vins fins et les fromages de qualité peuvent être perçus comme un signe de sophistication et de capital culturel élevé, d’où l’idée soutenu par ce dernier que les goûts et les pratiques alimentaires sont souvent influencés par la position sociale et les normes culturelles dominantes.
Finalement, que Balzac ou Bourdieu traitent différemment de l’alimentation, il n’en reste pas moins que la baguette de pain, le fromage et le vin rouge sont devenus des icônes de l’alimentation française en raison de leur longue histoire, de leur tradition et de leur excellence gastronomique. Ils reflètent l’art de vivre à la française et la passion des Français pour la bonne nourriture et les plaisirs culinaires.
© Texte : Pierre Fraser (PhD), 2023
© Sémiographie : Photo|Société, 2023