L’huile d’olive comme produit de distinction sociale ?

L’huile d’olive, par seule mise en marché à travers son marketing, signale l’accomplissement d’actions ou suggérant l’opportunité d’actions. Si le statut social peut influencer l’alimentation de différentes façons, le niveau de revenu et l’accès aux ressources financières peuvent également affecter les choix alimentaires des individus.

Photo : Ron Lach

L’huile d’olive a longtemps été considérée comme un aliment de qualité supérieure et a été associée la plupart du temps à la distinction sociale et à la richesse. En Grèce antique, par exemple, l’huile d’olive était considérée comme un symbole de prospérité et était utilisée pour l’alimentation, l’éclairage et l’hygiène personnelle. Au fil des siècles, l’huile d’olive a continué d’être associée à la distinction sociale et à la richesse dans de nombreux pays. En Italie, par exemple, l’huile d’olive est encore et toujours considérée comme un élément essentiel de la cuisine italienne et souvent utilisée pour marquer l’occasion de festivités ou de réunions familiales importantes.

De nos jours, l’huile d’olive est également associée à une alimentation saine et à des bienfaits pour la santé. Cette association peut contribuer à renforcer l’association de l’huile d’olive avec la distinction sociale et la richesse, car les individus qui peuvent se permettre de manger sainement sont souvent perçus comme ayant un niveau de vie plus élevé. D’ailleurs, les entreprises qui produisent, distribuent et vendent de l’huile d’olive, jouent d’ingéniosité en matière de marketing sur le plan des repères visuels afin de rejoindre une clientèle prête à dépenser des sommes conséquentes pour bien s’alimenter. En ce sens, on retrouvera là les 4 fonctions d’un repère visuel sans le marketing de l’huile d’olive :

  • signaler en vue de l’accomplissement d’actions ou suggérant l’opportunité d’actions ;
  • localiser d’autres repères qui doivent déclencher une action (le repère est élément de réseau) ;
  • confirmer qu’un individu adopte les comportements appropriés ;
  • combler certaines attentes.

On peut donc dire que l’huile d’olive, par seule mise en marché à travers son marketing, signale l’accomplissement d’actions ou suggérant l’opportunité d’actions. Si le statut social peut influencer l’alimentation de différentes façons, le niveau de revenu et l’accès aux ressources financières peuvent également affecter les choix alimentaires des individus. Étant donné que les personnes ayant un niveau de revenu plus élevé ont souvent accès à une plus grande variété d’aliments de qualité supérieure, elles peuvent être plus enclines à acheter des aliments sains et biologiques, d’où les repères visuels de l’huile d’olive ciblant le haut de gamme. Les personnes ayant un niveau de revenu plus faible, pour leur part, peuvent être contraints de faire des choix alimentaires moins coûteux et moins sains, d’où l’achat éventuel d’huiles d’olive de peu de qualité dans les grandes surfaces afin de s’inscrire dans la mouvance de la saine alimentation.

Photo : Tatiana Novoselova

Statut social de l’huile d’olive

Le statut social peut également influencer les attitudes et les comportements en matière d’alimentation, notamment en ce qui concerne les normes de consommation et les préférences alimentaires. Par exemple, certaines personnes peuvent être soumises à des pressions sociales pour suivre des régimes alimentaires spécifiques ou pour éviter certains aliments en raison de leur statut social.

En outre, le statut social peut influencer l’accès aux moyens de production et de distribution alimentaire, d’où l’idée que les personnes ayant un statut social élevé peuvent avoir accès à des moyens de production alimentaire de qualité supérieure, tels que des fermes biologiques ou des producteurs locaux, alors que les personnes ayant un statut social plus faible peuvent être limitées dans leur accès à ces sources d’aliments. Globalement, l’huile d’olive a, de tous temps, été associée à la distinction sociale et à la richesse dans de nombreux contextes culturels et historiques, et cette association est dès lors renforcée par son association avec une alimentation saine et bénéfique pour la santé.

Ici, deux aspects particuliers se dégagent sur le plan social :

  • l’huile d’olive a été associée à la distinction sociale et à la richesse dans de nombreux contextes culturels et historiques, et cette association a été renforcée par son association avec une alimentation saine et bénéfique pour la santé ;
  • le statut social peut influencer l’accès aux moyens de production et de distribution alimentaire.

En somme, les personnes ayant un statut social élevé peuvent avoir accès à des moyens de production alimentaire de qualité supérieure, tels que des fermes biologiques ou des producteurs locaux, alors que les personnes ayant un statut social plus faible peuvent être limitées dans leur accès à ces sources d’aliments.

Photo : OLiV

Les repères visuels de l’huile d’olive permettent de cibler cette clientèle à la recherche de sophistication et de distinction sociale en utilisant des canaux de marketing de luxe, tels que les magazines de mode et de design de luxe, les événements de dégustation haut de gamme et les programmes de fidélisation exclusifs. En misant sur l’histoire et la tradition de l’huile d’olive, tout en mettant en avant sa production dans des régions reconnues pour leur qualité, comme la Toscane en Italie ou l’Andalousie en Espagne, il devient alors possible de créer ce que l’on pourrait appeler un réseau visuel de l’huile d’olive.

Ce réseau visuel, constitué de repères visuels caractéristiques à l’huile d’olive haut de gamme, forme des parcours sociaux pour des classes sociales ou communautés plus favorisées, et détermine d’autant certaines attitudes et comportements, c’est-à-dire les lieux où se concentre les dimensions symboliques perceptibles en matière d’alimentation.

Statut visuel de l’huile d’olive versus le statut social

L’huile d’olive étant avant tout un produit de distinction sociale, il est donc important de travailler sur l’image de marque de celle-ci afin de créer ce que les publicitaires nomment une identité forte pour la marque. Cela, il va sans dire, inclut la création d’un packaging attrayant et la mise en place de campagnes publicitaires ciblées aux allures léchées et sobres tout en étant attrayantes en se fondant sur les critères suivants : qualités de luxe de l’huile d’olive, sa rareté, sa qualité supérieure, sa méthode de production artisanale, ses avantages pour la santé (propriétés anti-oxydantes, teneur en acides gras mono-insaturés bénéfiques pour le cœur).

Par exemple, cette publicité de l’entreprise OLIV répond aux critères ci-dessus : « L’équipe OLiV vous offre l’expérience « Wow » tout en vous aidant à manger plus sainement et plus naturellement. Notre gamme complète d’huile d’olive extra vierge (EVOO) et de véritable vinaigre balsamique sont des produits entièrement naturels qui le rendent plus pratique pour la cuisine de tous les jours. En utilisant nos formules exclusives pour aromatiser nos produits avec des huiles essentielles naturelles, vous pouvez naturellement aromatiser vos aliments avec tout, des saveurs à base de plantes, aux intrigues épicées ou fruitées et légères1. »

En somme, dans un monde où l’image prédomine, le travail sur les repères visuels d’un produit devient incontournable, peu importe la classe sociale à laquelle il est destiné. On ne s’adresse pas, visuellement parlant, de la même façon aux différentes classes sociales.

© Pierre Fraser (PhD), sociologue – 2022

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La création artistique autour de la mort est immense, sans limite dans toutes les cultures et religions : tombes, mausolées, sculptures, peintures, monuments funéraires, performances artistiques, petits objets de toutes sortes qui s’y rapportent et aussi de mémoire et qui, à leur tour, symbolisent la brièveté de la vie, le passage du temps. Malgré cela, il ne s’agit pas d’espaces architecturaux et d’œuvres d’art que le public évite ; au contraire, ils sont bel et bien visités.

Tenue à Québec en 2017, la performance artistique Où tu vas quand tu dors en marchant ? abordait, entre autres, le thème du passage vers la mort. En fait, depuis des siècles, la mort et l’art sont liés, ce dernier servant de représentation qui exprime, entre autres, le passage à travers les différentes étapes de la vie qui se solde inéluctablement par la mort. Il en résulte un univers de manifestations que l’on pourrait bien appeler l’art de la mort. Toutefois, la personne en deuil est rarement le protagoniste de la représentation de la fin de vie, et la prestation offerte par Où tu vas quand tu dors en marchant ? n’échappe pas à ce genre de consensus non dit.

De même que les peintures prennent leur sens dans un monde de peintres, de collectionneurs, de critiques et de conservateurs, les photographies prennent leur sens de la manière dont les personnes qui les utilisent les comprennent, les utilisent et leur attribuent ainsi un sens. Pour le sociologue, les photographies ont une signification particulière qui renvoie forcément à ce qui fait société, ce qui rassemble, ce qui définit des champs particuliers de comportements.

© Texte : Pierre Fraser (PhD), 2018
© Photos : Pierre Fraser (PhD), 2017

quand la mobilité se réduit…

quand la fin approche…

quand la fin est honorée…

quand la fin est chantée…

Google Watch ou l’encapsulation des valeurs sociales d’une époque

Google Watch

© Google, 2022

Le corps transparent renvoie au corps mesuré, jaugé, chiffré dans tous ses aspects et fonctions. Un corps en activité se localise dans un milieu donné dans une condition métabolique donnée. L’activité du corps, c’est son historique d’activité : emploi, déplacements, loisirs, sommeil, pratiques alimentaires, exercices. La localisation du corps renvoie à son milieu socioéconomique : milieu de vie, niveau de revenu, niveau de scolarité. L’état métabolique du corps renvoie à l’ensemble des réactions chimiques qui se déroulent au sein du corps pour le maintenir en vie : ces réactions chimiques sont non seulement mesurables, mais permettent aussi d’identifier les organes susceptibles de modifier l’équilibre chimique optimal du corps. En somme, le corps transparent est le corps obligé des technologies numériques.

Environnementalisme, autonomisation de soi, construction de soi, flexibilité et performance

Bien que la Google Watch soit la dernière des montres connectées à arriver sur le marché, elle embarque non seulement les mêmes technologies que toutes les autres montres connectées, mais franchit en même temps un pas en embarquant les valeurs sociales de notre époque. En cette ère de connectivité tous azimuts où la technologie subsume le social, où la technologie devient ni plus ni moins qu’une plateforme d’ingénierie sociale, cette nouvelle montre agit sur notre inscription en société.

Environnement, dans le sens où Google annonce d’emblée que le boîtier est confectionné à partir d’acier recyclé, que la vie de la pile est prolongée parce que le processus de suivi de la fréquence cardiaque a été modifié de sorte qu’il repose uniquement sur le coprocesseur de la puce, qui consomme beaucoup moins de la charge de la batterie que le processeur principal.

Autonomisation de soi, dans le sens où donner la possibilité à l’individu de monitorer sa propre condition métabolique et physiologique, c’est aussi le rendre de plus en autonome par rapport à lui-même. En fait, depuis 1985, la tendance est à une augmentation de l’autonomisation de l’individu, c’est-à-dire à l’augmentation de la charge des capacités individuelles pour faire face à l’emprise des mécanismes du marché à l’ensemble de la vie a graduellement amené l’individu à devenir de plus en plus autonome, le rendre libertarien malgré lui.

Construction de soi, dans le sens où dans une société abandonnée à la prédation du capital, de la finance, de l’économie et de l’Ordre marchand, où la précarité du travail devient de plus en plus une condition inévitable, devenir l’architecte de sa vie, maître de son destin et entrepreneur de soi-même est forcément un impératif.

Performance, dans le sens où l’individu qui a la capacité d’améliorer sa propre condition physique en la monitorant à partir d’une simple montre attachée à son bras devient forcément un individu en mesure d’être non seulement plus performant sur le plan physique, mais aussi de le devenir sur le plan intellectuel.

Flexibilité, dans le sens où la mondialisation du capitalisme, dans sa logique du juste à temps, a exigé des individus de plus en plus flexibles en mesure de s’adapter aux heures de travail de plus en plus décalées, des individus de plus en plus enserrés dans les milliers de fils invisibles de la communication qui les relient constamment au travail. L’individu, attaché à ces milliers de fils invisibles qui le lient constamment à une tâche quelconque, effacent toute coupure entre travail et loisir, luttent contre le temps mort, la vacuité et l’inoccupation, l’obligent à être constamment en besogne, à s’assurer d’une activité continue et sans répit.

Montre connectée, dans le sens où cette dernière est le prix à payer pour être constamment connecté non seulement au travail, aux loisirs, à la culture et à l’économie, mais aussi être connectée à son corps pour le rendre dicible et transparent, ce corps obligé des technologies numériques.

© Pierre Fraser (PhD), sociologue, 2022