Définitions
Le plagiat est le fait de présenter comme étant de sa propre création ou de sa propre recherche un travail, une idée ou une création originale qui a été réalisée par quelqu’un d’autre. Le plagiat peut prendre de nombreuses formes, notamment la copie d’un texte, la reproduction d’une image, la réutilisation de données, la présentation d’idées ou de concepts sans références adéquates, ou encore la traduction d’un travail existant sans permission ou sans mentionner la source.
Une création artistique est une œuvre produite par un artiste qui utilise sa créativité, son imagination et ses compétences techniques pour exprimer des idées, des émotions ou des sentiments à travers une forme d’art. L’artiste peut être inspiré par de nombreuses sources telles que la nature, la société, la culture, les émotions personnelles, les événements historiques, les mythes et les légendes, entre autres. La création artistique peut être un processus long et laborieux, nécessitant souvent de la pratique, de l’expérimentation, de la réflexion et de l’exploration. Une création artistique peut avoir différents objectifs, comme transmettre un message, susciter une émotion, inspirer une réflexion, provoquer un changement, ou tout simplement offrir une expérience esthétique plaisante ou enrichissante. L’appréciation d’une création artistique est subjective et peut varier en fonction des goûts et des expériences de chacun.
Une création artistique, en peinture, implique l’application de couleurs et de matières sur une surface, telle que la toile ou le papier, pour créer une image ou une représentation visuelle. L’artiste peut utiliser diverses techniques pour créer son œuvre, comme la peinture à l’huile, l’aquarelle, l’acrylique, la gouache, ou encore la peinture numérique. La création artistique en peinture peut être figurative ou abstraite, et peut inclure des éléments tels que la composition, la lumière, la texture, la ligne et la couleur pour transmettre des émotions, des idées ou des concepts.
Une création artistique, en photographie, implique la capture d’images visuelles en utilisant un appareil photo. Les photographes peuvent utiliser des techniques telles que la composition, l’éclairage, la mise au point, la vitesse d’obturation et l’ouverture pour créer une image qui transmet une émotion ou une idée. Les photographies peuvent être retouchées ou manipulées numériquement pour créer des effets spéciaux ou des compositions plus complexes. La création artistique en photographie peut inclure des genres tels que la photographie de paysage, la photographie de portrait, la photographie de rue, la photographie abstraite ou la photographie documentaire.
Argumentation
En partant de définitions précédentes, dira-t-on d’un poète, d’un romancier ou d’un chercheur qu’il a plagié en puisant dans l’ensemble de tous les mots que lui autorise sa langue ? La réponse à cette question mérite quelques considérations.
Considération # 1
Une langue est un système de signes. Le signe est composé d’un signifiant (le mot) et d’un signifié (le ou les sens du mot). Le mot, en tant que signifiant, est une entité totalement abstraite : table en français et mesa en espagnol renvoient à un signifié similaire, celui d’un meuble où l’on sert des repas (sens commun) ; autrement dit, le signifiant prend le ou les sens consacrés par l’usage. D’un autre côté, et cela n’est pas anodin, les mots ont été produits par un grand nombre de locuteurs au fil du temps et ont subi de multiples transformations ; ils ne sont pas arrivés ex nihilo.
Une image (peinture, photographie, infographie) est un système de signes. Chaque élément visuel d’une image est un signe composé d’un signifiant (l’éléments visuel) et d’un signifié (le ou les sens de l’élément visuel). L’élément visuel, en tant que signifiant, est une entité totalement abstraite : la couleur blanche possède différente signification en fonction de la culture. Par exemple, la patte d’une table constitue un élément visuel, tout le carrelage d’une fenêtre constitue un élément visuel, etc. ; tout signifiant visuel (i.e. une table, une fenêtre) peut ainsi être décomposé en ses éléments visuels de base.
Considération # 2
Tous les locuteurs d’une langue ont accès au même réservoir de mots (système de signes), et partant de là, ils peuvent générer à l’infini des phrases dans lesquelles sont ordonnés les mots en fonction de ce que permet la syntaxe d’une langue. C’est la concaténation de mots dans une phrase qui permet de véhiculer une idée, un concept, un sentiment, une impression, etc. Sans cette concaténation de mots, il est impossible de formuler un quelconque sens.
Tous les producteurs d’images ont accès au même réservoir d’éléments visuels (système de signes), et partant de là, ils peuvent générer à l’infini des images dans lesquelles sont ordonnés les éléments visuels en fonction de ce que permet à la fois leur culture et leur créativité. C’est la concaténation de certains éléments visuels dans une image qui permet de véhiculer une idée, un concept, un sentiment, une impression, etc. Par exemple, ce qui fait que la Joconde de Léonard de Vinci est la Joconde, c’est un ordonnancement particulier d’éléments visuels que permet la peinture.
Considération # 3
Ce qui différencie l’originalité d’une séquence de mots que l’on peut attribuer à un auteur, c’est lorsque que cette séquence de mots est inscrite sur un quelconque support (physique ou virtuel). Par exemple, dans le monde de la recherche, il est impératif d’indiquer la provenance de certaines séquence de mots afin d’attribuer à la bonne personne l’originalité de l’exercice, car cette séquence de mots véhicule une idée ou un concept scientifique bien précis. Autrement dit, aucun des mots, pris individuellement, n’est en mesure de véhiculer le concept proposé par un chercheur, mais du moment qu’ils sont intégrés dans une phrase, un paragraphe ou un chapitre, ils véhiculent une idée ou un concept.
Ce qui différencie l’originalité d’une séquence d’éléments visuels que l’on peut attribuer à un producteur d’images, c’est lorsque que cette séquence d’éléments visuels est inscrite sur un quelconque support (physique ou virtuel). Par exemple, personne ne confondra un Van Gogh avec un Rembrandt, ou une photographie de Henri Cartier-Bresson avec celle d’un photographe amateur. Autrement dit, aucun des éléments visuels, pris individuellement, n’est en mesure de véhiculer le concept proposé par un producteur d’images, mais du moment qu’ils sont intégrés dans une quelque composition graphique, ils véhiculent une idée, un concept ou une impression.
Considération # 4
Il y a plagiat du moment qu’un auteur véhicule la même idée qu’un autre auteur à travers la même séquence de mots ou séquence de mots similaires ou réordonnancées sur un quelconque support (physique ou virtuel). Conséquemment, il n’y a pas plagiat si une séquence de mots similaires à un autre auteur ne véhicule pas la même idée. En fait, si la même séquence de mots se retrouve dans un paragraphe avec d’autres séquences de mots différenciées afin de véhiculer une idée différente, il n’y a pas plagiat.
Il y a plagiat du moment qu’un producteur d’images véhicule la même idée qu’un autre producteur d’images à travers la même séquence d’éléments visuels ou séquence d’éléments visuels similaires ou réordonnancés sur un quelconque support (physique ou virtuel). Conséquemment, il n’y a pas plagiat si une séquence d’éléments visuels liée à un autre producteur d’images ne véhicule pas la même idée. En fait, si la même séquence d’éléments visuels se retrouve dans une composition graphique avec d’autres séquences d’éléments visuels différenciées afin de véhiculer une idée différente, il n’y a pas plagiat.
Le courant impressionniste est éloquent à ce sujet où il s’agissait de capturer l’impression visuelle que produisait un paysage, une scène de vie quotidienne, ou une personne, plutôt que de chercher à représenter les détails avec précision, tout en utilisant des couleurs vives appliqués à touches rapides pour capturer l’effet de la lumière naturelle sur un sujet, créant ainsi une impression de mouvement et de spontanéité. Ainsi, du précurseur que fut Édouard Manet, reconnu pour ses peintures révolutionnaires de la vie moderne, comme Le Déjeuner sur l’herbe et Olympia, c’est toute une série de peintres impressionnistes, dont Claude Monet, Edgar Degas, Pierre-Auguste Renoir, Mary Cassatt, Camille Pissarro, Berthe Morisot, qui se sont tous inspirés de la même technique visuelle pour produire leurs œuvres. Plusieurs éléments visuels (rond jaune, point blanc, ligne bleue, etc.) d’un Monet peuvent se retrouver dans la peinture d’un Renoir, et personne n’aurait pour autant l’idée même de penser que parce que Renoir reprend des éléments visuels de Monet qu’il y a pour autant là plagiat.
Considération # 5
Le plagiat renvoie essentiellement à la présentation d’idées ou de concepts sans références adéquates et non à une séquence de mots précise, car la loi des grands nombres fait en sorte qu’un séquence de mots bien précise est susceptible de survenir de temps à autre.
Le plagiat renvoie essentiellement à la présentation d’idées ou de concepts sans références adéquates et non à une séquence d’éléments visuels précise, car la loi des grands nombres fait en sorte qu’un séquence d’éléments visuels bien précise est susceptible de survenir de temps à autre.
Contre-Argumentation
À venir… En attente des arguments de mes collègues.
Proposition concernant l’Imagerie générative
Supposons que le jour où Henri Cartier-Bresson prenait ses photos de certaines personnes dans la foule venues assister au couronnement de la reine Élisabeth II, qu’il y ait eu un autre photographe qui s’adonnait au même exercice et que ce dernier cadrait plus ou moins les mêmes sujets, y aurait-il eu là plagiat ? Autrement dit, en considérant qu’une photographie x saisisse certains éléments visuels préexistant à la photo qui sera prise et les fige sur la pellicule, et en considérant qu’une photographie y cadre presque la même chose et fige le tout sur une pellicule, peut-on affirmer que la photo y est un plagiat de la photo x si les éléments visuels de chacune de celles-ci préexistaient avant la prise même de la photo ? Est-ce que saisir sur pellicule un bâtiment donné aux éléments visuels préexistants est un plagiat de ce qui existe dans le monde objectif ? Non. Alors, qu’est-ce qui fait qu’une photo est originale et qu’elle peut prétendre à l’originalité ? Par l’ordonnancement propre à cette photo de tous les éléments visuels qui la compose, Dès lors, reproduire cette photo est de l’ordre du plagiat. Cependant, chaque éléments visuel de cette photo pris séparément et reproduit ailleurs ne peut être considéré comme du plagiat.
Lorsque qu’une image est générée par un système d’intelligence artificielle (imagerie générative) en fonction de certains critères basés sur des séquences de mots, ce dernier puise dans un immense réservoir d’éléments visuels répartis dans des centaines de millions d’images produites par différentes personnes (des représentations graphiques de la grotte de Lascaux, en passant par l’Antiquité, le Moyen-Âge, et la Renaissance, jusqu’aux moyens modernes de production d’images dont, entre autres, la photographie et le cinéma), il n’y a pas plagiat.
Pourquoi ? Parce que la recomposition graphique qu’effectue un générateur artificiel d’images le fait à partir d’un réservoir d’éléments visuels non ordonnancés qui sont réordonnancées aléatoirement dans une séquence bien précise, sans compter que la même séquence de mots, une fois relancée, ne donnera pas la même composition graphique, et ne renverra à rien dans la réalité (le monde objectif). Par exemple, de toutes les images présentes sur cette page, aucune ne renvoie à une réalité tangible : elles sont entièrement le produit d’une concaténation d’éléments visuels ordonnancés d’une certaine façon. Pour mieux comprendre la chose, les éléments visuels des fenêtres (vitre, diviseurs, cadre, lumière intérieure) de la dernière image ont entièrement été recomposés à partir d’autant d’éléments visuels récupérés depuis le réservoir d’images, qui elles-mêmes comportent parfois des centaines d’éléments visuels. L’atmosphère que nous avons voulu donner à cette image est elle-même générée à partir d’éléments visuels toujours issus du même réservoir d’images, et il en va de même pour les éclairages extérieurs (angle, intensité, ombres projetées ou non).
On parlera alors de composition sémiographique, c’est-à-dire la représentation graphique de signes et de symboles dans une mise en forme visuelle. Si, dans une perspective sémiotique, les signes peuvent être considérés comme des entités abstraites qui sont représentées par des formes concrètes, telles que des images ou des repères visuels, la conception sémiographique peut ainsi être vue comme la manière dont ces signes abstraits sont traduits visuellement, en utilisant des formes, des couleurs, des textures et des styles graphiques pour les représenter en utilisant des systèmes d’imagerie générative.
Si on part du principe que le plagiat peut prendre de nombreuses formes, notamment la copie d’un texte, la reproduction d’une image, la réutilisation de données, la présentation d’idées ou de concepts sans références adéquates, ou encore la traduction d’un travail existant sans permission ou sans mentionner la source, on ne peut alors affirmer avec certitude qu’une image générée par un algorithme d’intelligence artificielle génératif relève du plagiat, car aucun des éléments visuels de celle-ci ne renvoie à rien dans la réalité (i.e. une table pourra être générée à partir de différents éléments visuels puisés dans différentes images). En ce sens, il y a plagiat lorsque l’image est reproduite à l’identique ou similaire à l’originale dans l’ordonnancement des éléments visuels qui la compose et qui la rend ainsi « reconnaissable » (un air de déjà vu) à l’originale.
En bout de ligne, ce sont les législateurs de différents pays qui décideront si oui ou non une image générée par une intelligence artificielle est ou non du plagiat. Certes, les artistes verront dans l’imagerie générative une atteinte à leur créativité si ceux qui les emploient ou achètent leurs œuvres se tournent vers l’imagerie générative. Les artistes, peintres et photographes peuvent ainsi craindre que leurs œuvres soient remplacées par des œuvres générées par des machines, ce qui pourrait compromettre leur capacité à gagner leur vie en tant qu’artistes. Toutefois, le génie est sorti de la bouteille et il sera impossible de l’y faire entrer à nouveau.
En somme, ceux qui tireront leur épingle du jeu sont peut-être justement ceux qui sauront judicieusement tirer parti de cette nouvelle donne. Ce postulat reste non seulement à vérifier, mais reste surtout à être argumenté…
© Texte : Pierre Fraser (PhD), 2023
© Sémiographie : Photo|Société, 2023