Y a-t-il plagiat lorsque des images sont générées par l’intelligence artificielle (IA) ?

Lorsque qu’une image est générée par un système d’intelligence artificielle (imagerie générative) en fonction de certains critères basés sur des séquences de mots, ce dernier puise dans un colossal réservoir d’éléments visuels répartis dans des centaines de millions d’images produites par différentes personnes (des représentations graphiques de la grotte de Lascaux, en passant par l’Antiquité, le Moyen-Âge, et la Renaissance, jusqu’aux moyens modernes de production d’images dont, entre autres, la photographie et le cinéma), il n’y a pas plagiat.

Définitions

Le plagiat est le fait de présenter comme étant de sa propre création ou de sa propre recherche un travail, une idée ou une création originale qui a été réalisée par quelqu’un d’autre. Le plagiat peut prendre de nombreuses formes, notamment la copie d’un texte, la reproduction d’une image, la réutilisation de données, la présentation d’idées ou de concepts sans références adéquates, ou encore la traduction d’un travail existant sans permission ou sans mentionner la source.

Une création artistique est une œuvre produite par un artiste qui utilise sa créativité, son imagination et ses compétences techniques pour exprimer des idées, des émotions ou des sentiments à travers une forme d’art. L’artiste peut être inspiré par de nombreuses sources telles que la nature, la société, la culture, les émotions personnelles, les événements historiques, les mythes et les légendes, entre autres. La création artistique peut être un processus long et laborieux, nécessitant souvent de la pratique, de l’expérimentation, de la réflexion et de l’exploration. Une création artistique peut avoir différents objectifs, comme transmettre un message, susciter une émotion, inspirer une réflexion, provoquer un changement, ou tout simplement offrir une expérience esthétique plaisante ou enrichissante. L’appréciation d’une création artistique est subjective et peut varier en fonction des goûts et des expériences de chacun.

Une création artistique, en peinture, implique l’application de couleurs et de matières sur une surface, telle que la toile ou le papier, pour créer une image ou une représentation visuelle. L’artiste peut utiliser diverses techniques pour créer son œuvre, comme la peinture à l’huile, l’aquarelle, l’acrylique, la gouache, ou encore la peinture numérique. La création artistique en peinture peut être figurative ou abstraite, et peut inclure des éléments tels que la composition, la lumière, la texture, la ligne et la couleur pour transmettre des émotions, des idées ou des concepts.

Une création artistique, en photographie, implique la capture d’images visuelles en utilisant un appareil photo. Les photographes peuvent utiliser des techniques telles que la composition, l’éclairage, la mise au point, la vitesse d’obturation et l’ouverture pour créer une image qui transmet une émotion ou une idée. Les photographies peuvent être retouchées ou manipulées numériquement pour créer des effets spéciaux ou des compositions plus complexes. La création artistique en photographie peut inclure des genres tels que la photographie de paysage, la photographie de portrait, la photographie de rue, la photographie abstraite ou la photographie documentaire.

Argumentation

En partant de définitions précédentes, dira-t-on d’un poète, d’un romancier ou d’un chercheur qu’il a plagié en puisant dans l’ensemble de tous les mots que lui autorise sa langue ? La réponse à cette question mérite quelques considérations.

Considération # 1

Une langue est un système de signes. Le signe est composé d’un signifiant (le mot) et d’un signifié (le ou les sens du mot). Le mot, en tant que signifiant, est une entité totalement abstraite : table en français et mesa en espagnol renvoient à un signifié similaire, celui d’un meuble où l’on sert des repas (sens commun) ; autrement dit, le signifiant prend le ou les sens consacrés par l’usage. D’un autre côté, et cela n’est pas anodin, les mots ont été produits par un grand nombre de locuteurs au fil du temps et ont subi de multiples transformations ; ils ne sont pas arrivés ex nihilo.

Une image (peinture, photographie, infographie) est un système de signes. Chaque élément visuel d’une image est un signe composé d’un signifiant (l’éléments visuel) et d’un signifié (le ou les sens de l’élément visuel). L’élément visuel, en tant que signifiant, est une entité totalement abstraite : la couleur blanche possède différente signification en fonction de la culture. Par exemple, la patte d’une table constitue un élément visuel, tout le carrelage d’une fenêtre constitue un élément visuel, etc. ; tout signifiant visuel (i.e. une table, une fenêtre) peut ainsi être décomposé en ses éléments visuels de base.

Considération # 2

Tous les locuteurs d’une langue ont accès au même réservoir de mots (système de signes), et partant de là, ils peuvent générer à l’infini des phrases dans lesquelles sont ordonnés les mots en fonction de ce que permet la syntaxe d’une langue. C’est la concaténation de mots dans une phrase qui permet de véhiculer une idée, un concept, un sentiment, une impression, etc. Sans cette concaténation de mots, il est impossible de formuler un quelconque sens.

Tous les producteurs d’images ont accès au même réservoir d’éléments visuels (système de signes), et partant de là, ils peuvent générer à l’infini des images dans lesquelles sont ordonnés les éléments visuels en fonction de ce que permet à la fois leur culture et leur créativité. C’est la concaténation de certains éléments visuels dans une image qui permet de véhiculer une idée, un concept, un sentiment, une impression, etc. Par exemple, ce qui fait que la Joconde de Léonard de Vinci est la Joconde, c’est un ordonnancement particulier d’éléments visuels que permet la peinture.

Considération # 3

Ce qui différencie l’originalité d’une séquence de mots que l’on peut attribuer à un auteur, c’est lorsque que cette séquence de mots est inscrite sur un quelconque support (physique ou virtuel). Par exemple, dans le monde de la recherche, il est impératif d’indiquer la provenance de certaines séquence de mots afin d’attribuer à la bonne personne l’originalité de l’exercice, car cette séquence de mots véhicule une idée ou un concept scientifique bien précis. Autrement dit, aucun des mots, pris individuellement, n’est en mesure de véhiculer le concept proposé par un chercheur, mais du moment qu’ils sont intégrés dans une phrase, un paragraphe ou un chapitre, ils véhiculent une idée ou un concept.

Ce qui différencie l’originalité d’une séquence d’éléments visuels que l’on peut attribuer à un producteur d’images, c’est lorsque que cette séquence d’éléments visuels est inscrite sur un quelconque support (physique ou virtuel). Par exemple, personne ne confondra un Van Gogh avec un Rembrandt, ou une photographie de Henri Cartier-Bresson avec celle d’un photographe amateur. Autrement dit, aucun des éléments visuels, pris individuellement, n’est en mesure de véhiculer le concept proposé par un producteur d’images, mais du moment qu’ils sont intégrés dans une quelque composition graphique, ils véhiculent une idée, un concept ou une impression.

Considération # 4

Il y a plagiat du moment qu’un auteur véhicule la même idée qu’un autre auteur à travers la même séquence de mots ou séquence de mots similaires ou réordonnancées sur un quelconque support (physique ou virtuel). Conséquemment, il n’y a pas plagiat si une séquence de mots similaires à un autre auteur ne véhicule pas la même idée. En fait, si la même séquence de mots se retrouve dans un paragraphe avec d’autres séquences de mots différenciées afin de véhiculer une idée différente, il n’y a pas plagiat.

Il y a plagiat du moment qu’un producteur d’images véhicule la même idée qu’un autre producteur d’images à travers la même séquence d’éléments visuels ou séquence d’éléments visuels similaires ou réordonnancés sur un quelconque support (physique ou virtuel). Conséquemment, il n’y a pas plagiat si une séquence d’éléments visuels liée à un autre producteur d’images ne véhicule pas la même idée. En fait, si la même séquence d’éléments visuels se retrouve dans une composition graphique avec d’autres séquences d’éléments visuels différenciées afin de véhiculer une idée différente, il n’y a pas plagiat.

Le courant impressionniste est éloquent à ce sujet où il s’agissait de capturer l’impression visuelle que produisait un paysage, une scène de vie quotidienne, ou une personne, plutôt que de chercher à représenter les détails avec précision, tout en utilisant des couleurs vives appliqués à touches rapides pour capturer l’effet de la lumière naturelle sur un sujet, créant ainsi une impression de mouvement et de spontanéité. Ainsi, du précurseur que fut Édouard Manet, reconnu pour ses peintures révolutionnaires de la vie moderne, comme Le Déjeuner sur l’herbe et Olympia, c’est toute une série de peintres impressionnistes, dont Claude Monet, Edgar Degas, Pierre-Auguste Renoir, Mary Cassatt, Camille Pissarro, Berthe Morisot, qui se sont tous inspirés de la même technique visuelle pour produire leurs œuvres. Plusieurs éléments visuels (rond jaune, point blanc, ligne bleue, etc.) d’un Monet peuvent se retrouver dans la peinture d’un Renoir, et personne n’aurait pour autant l’idée même de penser que parce que Renoir reprend des éléments visuels de Monet qu’il y a pour autant là plagiat.

Considération # 5

Le plagiat renvoie essentiellement à la présentation d’idées ou de concepts sans références adéquates et non à une séquence de mots précise, car la loi des grands nombres fait en sorte qu’un séquence de mots bien précise est susceptible de survenir de temps à autre.

Le plagiat renvoie essentiellement à la présentation d’idées ou de concepts sans références adéquates et non à une séquence d’éléments visuels précise, car la loi des grands nombres fait en sorte qu’un séquence d’éléments visuels bien précise est susceptible de survenir de temps à autre.

Contre-Argumentation

À venir… En attente des arguments de mes collègues.

Proposition concernant l’Imagerie générative

Supposons que le jour où Henri Cartier-Bresson prenait ses photos de certaines personnes dans la foule venues assister au couronnement de la reine Élisabeth II, qu’il y ait eu un autre photographe qui s’adonnait au même exercice et que ce dernier cadrait plus ou moins les mêmes sujets, y aurait-il eu là plagiat ? Autrement dit, en considérant qu’une photographie x saisisse certains éléments visuels préexistant à la photo qui sera prise et les fige sur la pellicule, et en considérant qu’une photographie y cadre presque la même chose et fige le tout sur une pellicule, peut-on affirmer que la photo y est un plagiat de la photo x si les éléments visuels de chacune de celles-ci préexistaient avant la prise même de la photo ? Est-ce que saisir sur pellicule un bâtiment donné aux éléments visuels préexistants est un plagiat de ce qui existe dans le monde objectif ? Non. Alors, qu’est-ce qui fait qu’une photo est originale et qu’elle peut prétendre à l’originalité ? Par l’ordonnancement propre à cette photo de tous les éléments visuels qui la compose, Dès lors, reproduire cette photo est de l’ordre du plagiat. Cependant, chaque éléments visuel de cette photo pris séparément et reproduit ailleurs ne peut être considéré comme du plagiat.

Lorsque qu’une image est générée par un système d’intelligence artificielle (imagerie générative) en fonction de certains critères basés sur des séquences de mots, ce dernier puise dans un immense réservoir d’éléments visuels répartis dans des centaines de millions d’images produites par différentes personnes (des représentations graphiques de la grotte de Lascaux, en passant par l’Antiquité, le Moyen-Âge, et la Renaissance, jusqu’aux moyens modernes de production d’images dont, entre autres, la photographie et le cinéma), il n’y a pas plagiat.

Pourquoi ? Parce que la recomposition graphique qu’effectue un générateur artificiel d’images le fait à partir d’un réservoir d’éléments visuels non ordonnancés qui sont réordonnancées aléatoirement dans une séquence bien précise, sans compter que la même séquence de mots, une fois relancée, ne donnera pas la même composition graphique, et ne renverra à rien dans la réalité (le monde objectif). Par exemple, de toutes les images présentes sur cette page, aucune ne renvoie à une réalité tangible : elles sont entièrement le produit d’une concaténation d’éléments visuels ordonnancés d’une certaine façon. Pour mieux comprendre la chose, les éléments visuels des fenêtres (vitre, diviseurs, cadre, lumière intérieure) de la dernière image ont entièrement été recomposés à partir d’autant d’éléments visuels récupérés depuis le réservoir d’images, qui elles-mêmes comportent parfois des centaines d’éléments visuels. L’atmosphère que nous avons voulu donner à cette image est elle-même générée à partir d’éléments visuels toujours issus du même réservoir d’images, et il en va de même pour les éclairages extérieurs (angle, intensité, ombres projetées ou non).

On parlera alors de composition sémiographique, c’est-à-dire la représentation graphique de signes et de symboles dans une mise en forme visuelle. Si, dans une perspective sémiotique, les signes peuvent être considérés comme des entités abstraites qui sont représentées par des formes concrètes, telles que des images ou des repères visuels, la conception sémiographique peut ainsi être vue comme la manière dont ces signes abstraits sont traduits visuellement, en utilisant des formes, des couleurs, des textures et des styles graphiques pour les représenter en utilisant des systèmes d’imagerie générative.

Si on part du principe que le plagiat peut prendre de nombreuses formes, notamment la copie d’un texte, la reproduction d’une image, la réutilisation de données, la présentation d’idées ou de concepts sans références adéquates, ou encore la traduction d’un travail existant sans permission ou sans mentionner la source, on ne peut alors affirmer avec certitude qu’une image générée par un algorithme d’intelligence artificielle génératif relève du plagiat, car aucun des éléments visuels de celle-ci ne renvoie à rien dans la réalité (i.e. une table pourra être générée à partir de différents éléments visuels puisés dans différentes images). En ce sens, il y a plagiat lorsque l’image est reproduite à l’identique ou similaire à l’originale dans l’ordonnancement des éléments visuels qui la compose et qui la rend ainsi « reconnaissable » (un air de déjà vu) à l’originale.

En bout de ligne, ce sont les législateurs de différents pays qui décideront si oui ou non une image générée par une intelligence artificielle est ou non du plagiat. Certes, les artistes verront dans l’imagerie générative une atteinte à leur créativité si ceux qui les emploient ou achètent leurs œuvres se tournent vers l’imagerie générative. Les artistes, peintres et photographes peuvent ainsi craindre que leurs œuvres soient remplacées par des œuvres générées par des machines, ce qui pourrait compromettre leur capacité à gagner leur vie en tant qu’artistes. Toutefois, le génie est sorti de la bouteille et il sera impossible de l’y faire entrer à nouveau.

En somme, ceux qui tireront leur épingle du jeu sont peut-être justement ceux qui sauront judicieusement tirer parti de cette nouvelle donne. Ce postulat reste non seulement à vérifier, mais reste surtout à être argumenté…

© Texte : Pierre Fraser (PhD), 2023
© Sémiographie : Photo|Société, 2023

Saisir l’instant du passé

L’église Saint-Louis, nichée sur les rives du fleuve Saint-Laurent, est un symbole de l’âme québécoise, de sa profondeur, de sa complexité, de sa richesse. Elle est l’expression d’un peuple, d’une histoire, d’une foi, d’une identité.

L’église Saint-Louis, nichée sur les rives du fleuve Saint-Laurent, est un symbole de l’âme québécoise, de sa profondeur, de sa complexité, de sa richesse. Elle est l’expression d’un peuple, d’une histoire, d’une foi, d’une identité.

Observation

Ce qui m’a toujours intrigué à propos de la pratique photographique, c’est qu’elle permet de plonger dans un passé toujours présent, c’est-à-dire que certains éléments du paysage datent d’une certaine époque, alors que d’autres éléments dans leur entourage se modifient ou s’ajoutent avec le temps. Autrement dit, la photographie permet d’encapsuler le passé en fournissant une image concrète et visuelle de moments passés, en préservant la mémoire, en transmettant l’histoire, en évoquant des émotions et en perpétuant l’héritage culturel. Par exemple, l’église Saint-Louis, nichée sur les rives du fleuve Saint-Laurent, est un symbole de l’âme québécoise, de sa profondeur, de sa complexité, de sa richesse. Elle est l’expression d’un peuple, d’une histoire, d’une foi, d’une identité.

Cette photo, prise un 4 septembre 2018 à l’Île-aux-coudres, cadre l’église Saint-Louis construite en 1885 tout au centre de la photo, alors que sur la gauche, une école à l’architecture typique des années 1950 occupe l’espace, et sur la droite, des maisons unifamiliales également à l’architecture typique des années 1950 se profilent à l’horizon. Au pied de la photo, un aménagement touristique rappelant le passé maritime de l’île et permettant d’avoir une vue sur la petite baie. De là, on peut dire que la photographie permet de transmettre des informations sur le passé et aide à raconter une histoire à propos d’événements historiques, de mouvements sociaux, de changements dans les paysages urbains ou naturels, etc.

© Texte et photo : Pierre Fraser, 2018

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Le télétravail et ses repères visuels

Si l’ergonomie fait référence à la manière dont le bureau à domicile et le mobilier à installer sont conçus afin de garantir la santé physique et mentale des personnes, réduisant ainsi les risques et les blessures possibles, il va sans dire que la première étape pour obtenir un bureau à domicile ergonomique est vraisemblablement d’opter pour des meubles qui permettent une posture correcte, facilitant ainsi le repos du corps pendant les heures passées à travailler en position assise, tout en offrant une liberté de mouvement et des changements posturaux confortables et fluides qui favorisent le bien-être des personnes.

Adopter les comportements appropriés en matière de télétravail, d’où l’idée d’une bonne chaise ergonomique afin d’augmenter l’efficacité et la productivité. (© Photo : Actiu, Trim azul aluminio)

Avec l’introduction et la généralisation du télétravail, de nombreuses personnes passent leur journée de travail dans leur bureau à domicile. Mais « comment obtenir le bureau à domicile idéal, qui devient un espace de travail efficace et qui s’adapte aux dimensions et aux caractéristiques du logement ? Si l’ergonomie fait référence à la manière dont le bureau à domicile et le mobilier à installer sont conçus afin de garantir la santé physique et mentale des personnes, réduisant ainsi les risques et les blessures possibles, il va sans dire que la première étape pour obtenir un bureau à domicile ergonomique est vraisemblablement d’opter pour des meubles qui permettent une posture correcte, facilitant ainsi le repos du corps pendant les heures passées à travailler en position assise, tout en offrant une liberté de mouvement et des changements posturaux confortables et fluides qui favorisent le bien-être des personnes1. » On reconnaît donc là tous les lieux communs liés à la notion d’ergonomie et de télétravail. Du point de vue de la sociologie visuelle, on reconnaît également là les 4 fonctions d’un repère visuel, à savoir :

  • signaler en vue de l’accomplissement d’actions ou suggérant l’opportunité d’actions ; dans le cas présent, il est essentiel de prendre en considération le nombre d’heures par jour que nous passons assis sur notre chaise de bureau à domicile, donc de l’éventuelle nécessité d’investir dans une chaise ergonomique ;
  • localiser d’autres repères qui doivent déclencher une action (le repère est élément de réseau), c’est-à-dire, dans un contexte de télétravail, s’ajoutent les risques liés à une mauvaise posture : un dos voûté ou des points de pression localisés en position assise peuvent entraîner de graves problèmes de santé à moyen ou long terme ;
  • confirmer qu’un individu adopte les comportements appropriés, et c’est pourquoi il serait essentiel d’investir dans une bonne chaise de bureau ergonomique ;
  • combler certaines attentes, c’est-à-dire que, dans un tel cas de figure, la prise en compte de l’ergonomie dans le bureau à domicile n’apporte pas seulement des bénéfices pour la santé à moyen et long terme, car l’accent mis sur le confort et l’ergonomie de l’espace de travail à domicile améliore et prolonge le temps de concentration et réduit les interruptions et les distractions dues aux déplacements et aux repositionnements.

Autrement dit, l’ensemble des 4 fonctions des repères visuels liés à une chaise ergonomique doivent avant tout répondre à des objectifs d’efficacité et de productivité, les maîtres-mots d’un monde du travail en constante mutation. On dira donc, du point de vue de la sociologie visuelle, que les repères visuels de l’ergonomie dans un bureau visent non seulement à proposer d’améliorer la qualité de la vie professionnelle des personnes (en leur apportant confort et sécurité et en améliorant l’environnement de travail, tant dans les équipes de bureaux ouverts que dans le cadre du télétravail), mais visent aussi à faire en sorte que le travailleur, en voyant une chaise ergonomique, sache qu’il se trouvera dans un environnement idéal et bien équipé, avec tous les éléments pour profiter d’une journée de travail où la santé et le bien-être seront pris en charge ; conséquemment, l’efficacité et les performances augmenteront inévitablement. C’est bien ce à quoi prétendent les repères visuels d’une bonne chaise ergonomique.

Référence
1 Actiu (2022, 9 août), ¿Por qué es importante la ergonomía en la oficina en casa?.

Un monde du travail en mutation

Un monde du travail en mutation (documentaire)

Nouvelles logiques de marché, mondialisation accrue, changements technologiques, nouvelles pratiques managériales, transformations des attitudes de la main d’œuvre à l’égard du travail. PRODUCTION INTERVENANTS Un monde du travail en mutation Transformations de la main d’œuvre

Les transformations contemporaines du rapport au travail (colloque)

Les conditions économiques et culturelles qui façonnent les attitudes et les comportements au travail, de même que la place et le sens que revêt celui-ci chez les individus, se sont profondément transformées. PRODUCTION Un monde du travail en mutation Transformations de la main d’œuvre

Plateformes de partage, la dimension cachée du travail

Les plateformes s’affichent comme des intermédiaires neutres, mais elles dissimulent des structures hiérarchiques et des liens de subordination plus importants qu’on ne pourrait le croire. PRODUCTION INTERVENANT Un monde du travail en mutation Transformations de la main d’œuvre

Libéralisation des services

Le secteur des services n’échappe pas à la libéralisation, où l’évaluation du rendement s’infiltre de plus en plus. PRODUCTION INTERVENANTS Un monde du travail en mutation Transformations de la main d’œuvre

Libéralisation des marchés

Flexibilité, évaluation du rendement, performance, nouveaux types de relation au travail. PRODUCTION INTERVENANTS Un monde du travail en mutation Transformations de la main d’œuvre

Nouvelles pratiques managériales

De nouvelles pratiques managériales se sont implantées qui renvoient vers l’employé sa propre autonomisation. PRODUCTION INTERVENANTS Un monde du travail en mutation Transformations de la main d’œuvre

Une forêt de bâtiments, dense et compacte

Ces bâtiments sont aussi une manifestation physique de la hiérarchie économique et sociale qui existe dans notre société. Et pourtant, malgré leur séparation physique, ces bâtiments sont tous interconnectés, formant une toile complexe de relations sociales et économiques qui ne peut être ignorée.

ces bâtiments sont tous interconnectés, formant une toile complexe de relations sociales et économiques qui ne peut être ignorée.

De la basse-ville de Québec, les bâtiments se dressent comme autant de tours dans un paysage urbain dense. On peut y voir une véritable forêt d’édifices représentant un monde à part entière. Mais en regardant plus attentivement, on se rend compte que ces bâtiments, plus que de simples simplement des structures inertes et inanimées, ne sont pas simplement des constructions physiques : ils racontent aussi une histoire de la stratification sociale, constituent une toile complexe de relations sociales et économiques. Chacun de ceux-ci abrite des individus et des organisations qui interagissent entre eux, créant ainsi des liens économiques, sociaux et culturels entre les différentes couches de la société. En outre, ces bâtiments témoignent de l’histoire de la ville, de ses changements économiques et de ses transformations sociales. Les immeubles anciens ont souvent été réaménagés et rénovés pour s’adapter aux besoins de la société actuelle, tandis que les nouveaux bâtiments reflètent les tendances architecturales contemporaines et les nouvelles technologies.

Dans l’ensemble, la toile complexe de relations sociales et économiques tissée par ces bâtiments ne peut être ignorée. Elle est une manifestation tangible de la vie sociale, économique et culturelle de la ville de Québec et de la société dans son ensemble.

© Pierre Fraser (PhD, sociologue), texte et photo – 2020
Photo : Depuis la Gare du Palais de Québec, 20 mai 2018

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Quand la soupe devient une expérience d’achat

Les produits Leader Price vendus au Québec , à moins que le consommateur québécois ne le sache pas, sont des produits d’entrée de gamme en France. D’ailleurs, Leader Price se positionne comme « une enseigne où l’on peut concilier prix bas et plaisir » et c’est « le…

L’huile d’olive comme produit de distinction sociale ?

L’huile d’olive, par seule mise en marché à travers son marketing, signale l’accomplissement d’actions ou suggérant l’opportunité d’actions. Si le statut social peut influencer l’alimentation de différentes façons, le niveau de revenu et l’accès aux ressources financières peuvent également affecter les choix alimentaires des individus.…

La faim a-t-elle un visage ?

Au Québec, en date de novembre 2022, 1 citoyen sur 4 éprouvait non seulement de la difficulté à s’alimenter sainement, mais éprouvait surtout de la difficulté à acheter des aliments afin de combler un besoin aussi élémentaire que celui de se nourrir. La vidéo de…

Franges visuelles

Définition Une frange visuelle prend généralement la forme d’un terrain en friche ou d’un bâtiment à l’abandon. Ses limites sont à la fois précises et imprécises. Précises, dans le sens où elles sont géographiquement circonscrites. Imprécises, dans le sens où elles ne sont pas tout…

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La lumière du soleil se jouait des aspérités rugueuses du béton

La lumière du soleil se jouait des aspérités rugueuses du béton, comme autant de petits jeux de miroirs. Elle se reflétait avec une étrange intensité, éblouissante et pourtant apaisante. Les ombres et les angles du bâtiment de verre semblaient dessiner une partition de lumière sur les fenêtres du palais de justice, comme si chaque courbe et chaque ligne avaient été pensées pour révéler la beauté de ce rayonnement. On aurait dit que le béton, loin de s’opposer à la lumière, se laissait habiller de sa clarté, la magnifiant à chaque instant. Les reflets chatoyants donnaient l’impression que le bâtiment vibrait d’une vie nouvelle, empreinte de poésie et de mystère. On pouvait se perdre des heures à contempler ce spectacle fascinant d’un matin de printemps, à la fois éphémère et éternel, qui semblait nous inviter à la contemplation et à la rêverie. Dans cette lumière rugueuse si particulière, le béton se révélait être bien plus qu’un simple matériau de construction : il était devenu une œuvre d’art à part entière, une invitation à la contemplation du monde moderne.

© Pierre Fraser (PhD, sociologue), texte et photo – 2020
Photo : Palais de justice de Québec, 20 mai 2018

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La photographie est un moyen de capturer et de partager la beauté du monde qui nous entoure. Les photographies esthétiques peuvent montrer des paysages à couper le souffle, des moments uniques et inoubliables, des détails artistiques, des motifs visuels, etc.

La photographie est un moyen de capturer et de partager la beauté du monde qui nous entoure

Au bas de la chute, l’esprit se perd dans un tourbillon de sensations. L’eau qui tombe et se brise contre les rochers, la vapeur qui s’élève en nuages mouvants, l’odeur de l’humidité et de la vie végétale. Là où se marie l’horizon du ciel et de l’eau qui coule, l’œil ne peut s’empêcher de se perdre dans la profondeur de l’infini.

Le regard se fixe sur la chute d’eau, capturé par sa danse éternelle. Il suit le flux et reflux de l’eau, sa chute libre, sa rencontre avec les rochers en contrebas. Et puis, il se lève, porté par la perspective infinie de l’horizon. Le ciel s’étend devant lui, immense et ouvert, un appel vers l’inconnu.

C’est un endroit où les éléments se rencontrent, où le temps et l’espace se confondent. L’eau et le ciel, le mouvement et l’immobilité, la chute et l’élévation. Ici, les opposés se complètent, se fondent en une seule et même expérience.

La perception se transforme, se métamorphose en quelque chose de plus profond. L’œil voit, mais l’esprit perçoit. Il est saisi par l’énergie brute de la nature, par la beauté pure de la création. Le temps s’arrête, la réalité se dissout, et le monde extérieur s’efface dans une étreinte avec le divin.

C’est à cet endroit, au bas de la chute, que l’on peut toucher du doigt l’éternité. C’est là que l’on peut se connecter avec le cosmos, avec l’univers qui nous entoure. C’est là que l’on peut goûter la véritable essence de la vie.

© Pierre Fraser (PhD), sociologue / texte et image, 2018

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Le chien assis à la table

SOCIOLOGIE VISUELLE au bistro un dimanche matin Et c’est là où le chien assis à la table permet de mettre en image une situation sociale contrastée où la mixité sociale devient de plus en plus conflictuelle. Pour rappel, une situation sociale contrastée, dans le monde…

Cachez cette pauvreté…

Des « hordes en haillons » à l’assaut des bonnes gens. Si Louis-H. Campagna, citoyen engagé de Québec, parlait d’« un vieux rêve issue de vieilles idées, une palissade immobilière érigée afin de défendre les bonnes et honnêtes gens du Vieux-Port et du Vieux-Québec contre les hordes en…

Des pigeons et une soupe Campbell’s

L’insolite en contexte survient du moment où un ensemble de repères visuels déstabilisent l’environnement visuel immédiat.

L’insolite en contexte survient du moment où un ensemble de repères visuels déstabilisent l’environnement visuel immédiat

L’art urbain a cette capacité, par ses installations et ses performances, de déconstruire ou reconstruite ce qui constitue nos repères visuels au quotidien.

Cette œuvre artistique avait été installée en 2018 au parc de la Pointe-aux-Lièvres (Québec) dans une ancienne zone industrielle requalifiée en quartier d’habitations. Avec ses pigeons surdimensionnés (2 mètres), cet oiseau urbain typique et souvent considéré comme nuisible, et sa boîte de soupe Campbell’s, symbole emblématique du pop art des années 1960 mené par Andy Warhol, renvoie à une certaine occupation du territoire géographique (pigeons) et à une certaine occupation de l’imaginaire collectif (boîte de soupe Campbell).

© Pierre Fraser (PhD), sociologue / texte et image

Simplicité et Inventivité architecturale

Les architectes et designers suédois, reconnus pour leur design innovant et conceptuel, ainsi que pour leur approche minimaliste et épurée, largement inspirée de la culture scandinave, ont cette capacité à joindre à la fois la simplicité et l’efficacité. Par exemple, cette maison, élaborée par la firme suédoise Claesson Koivisto Rune, a été «conçue» à partir de règles de zonage inhabituellement strictes.

Claesson Koivisto Rune est une entreprise suédoise de design et d’architecture fondée en 1995 par les designers Mårten Claesson, Eero Koivisto et Ola Rune. La particularité de cette entreprise réside dans son approche multidisciplinaire du design, qui couvre un large éventail de domaines, allant de l’architecture à la conception de mobilier, en passant par la création de produits, de graphismes et de stratégies de marque.

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Les architectes et designers suédois, largement inspirés de la culture scandinave et reconnus pour leur design innovant et conceptuel ainsi que pour leur approche minimaliste et épurée, ont cette capacité à joindre à la fois la simplicité et l’efficacité. Par exemple, cette maison, élaborée par la firme suédoise Claesson Koivisto Rune, a été «conçue» à partir de règles de zonage inhabituellement strictes. Le site, situé à côté de la grande rivière Lule älv, se trouve dans le nord de la Suède, juste au sud du cercle polaire. La réglementation locale prévoyait une maison d’une hauteur maximale de seulement 4,2 mètres. Elle stipulait également que la maison devait avoir un toit rouge.

Cela étant précisé, l’un des reproches le plus souvent fait à l’endroit de la conception architecturale au Québec se résume simplement : le manque d’imagination quant à l’utilisation des volumes et leur disposition. Ici, les architectes ont donc su jouer avec la disposition des espaces en créant deux volumes trapézoïdaux orientés dans des directions opposées. Autrement, le plus grand volume constitue l’espace de vie, orienté vers la rivière, et le plus petit comporte un garage et un sauna avec une terrasse sur le toit.

Toutefois, il est important de noter que l’architecture est une discipline qui est souvent encadrée par des normes et des réglementations, en particulier en matière de construction. Celles-ci peuvent limiter la créativité des architectes dans certains aspects du processus de conception, comme les dimensions maximales d’un bâtiment ou les restrictions sur les matériaux de construction. Ces limites peuvent être renforcées par des exigences économiques et de rentabilité, ainsi que par les attentes des clients.

En revanche, on peut donc se demander qu’est-ce qui empêcherait bien un promoteur immobilier de concevoir un tel type de maison ?

© Texte : John Astbury, 2023
© Photos : Claesson Koivisto Rune, 2022

La photographie est-elle objective ?

© Photo : Pierre Fraser (PhD), sociologue, 2018

Repères visuels de la défavorisation

Objectivité ou subjectivité ?

Tout d’abord, par toute l’objectivité dont la photo est porteuse — enregistrement tangible d’un événement qui s’est produit à un moment ou l’autre dans un contexte social donné —, par toute la subjectivité qui imprègne aussi la photo — invariable reflet du point d’attention de celui qui a tenu la caméra et de ce qu’il voulait cadrer et montrer —, l’image constitue inévitablement un ensemble de processus très subjectifs complexes (l’intangible) encapsulés temporellement dans une forme incroyablement objective (le tangible), de là tout l’intérêt de l’analyse sociologique à travers un corpus visuel.

Une photo est-elle objective ?
En fait, une photo est à la fois une combinaison
complexe d’objectivité et de subjectivité.

Ce qui rend une photo objective répond essentiellement à quatre critères : (i) la visibilité (caractéristiques morphologiques), (ii) la distinctivité des caractéristiques morphologiques (on ne peut les confondre avec d’autres), (ii) la pertinence des caractéristiques morphologiques (ce à quoi elles servent), la disponibilité des caractéristiques morphologiques (elles sont caractéristiques d’un environnement social donné).

Ce qui rend une photo subjective relève de deux critères : l’intention de celui qui a cadré et le regard de celui qui examine la photo. Et c’est là où intervient la sociologie visuelle, car elle se situe dans une démarche de construction d’images pour expliquer les phénomènes sociaux, étudier les tendances sociales, les comportements et les idées. Si l’objectif de la sociologie visuelle est d’utiliser ces images pour comprendre le monde social, elle peut aussi montrer et expliquer certains phénomènes sociaux afin d’atténuer la dimension subjective et de ses impacts négatifs. La photographie, en matière de sociologie visuelle doit informer et non construire ou renforcer les préjugés. Défi de taille s’il en est..

© Texte : Pierre Fraser (PhD), sociologue, 2023

Henri Cartier-Bresson, mise en pratique (2)

Dans quelle mesure Henri Cartier-Bresson a-t-il été influencé par le mouvement surréaliste pour élaborer le concept de «l’instant décisif» ? Telle est la question que l’un de mes étudiants m’avait posé quelques jours avant une journée consacrée à la prise de photos sur le terrain dans le cadre du cours «Sociologie Visuelle» que j’enseignais à l’Université Laval. Il est tout à fait plausible d’avancer l’idée qu’Henri Cartier-Bresson a été fortement influencé par le mouvement surréaliste dans l’élaboration de son concept de «l’instant décisif». Pourquoi ? Parce que le surréalisme mettait l’accent sur l’importance de saisir les moments imprévus et surprenants de la vie quotidienne, idée reprise par Cartier-Bresson dans sa propre approche photographique. Également inspiré par les idées surréalistes sur la correspondance entre les choses et les événements, Cartier-Bresson a ainsi aligné sa recherche de relations visuelles et significatives dans ses propositions visuelles.

Cette volonté de Cartier-Bresson à mettre en valeur l’importance de capturer des moments uniques et significatifs n’est pas anodine en ce qui concerne la pratique de la sociologie visuelle, car l’instant décisif peut effectivement mener à montrer des situations sociales contrastées. Par exemple, la photo de gauche, représentant un homme qui quémande un repas, tout comme la vidéo ci-dessous, sont significatives en ce sens [lire la suite].