Franges visuelles

Définition

Une frange visuelle prend généralement la forme d’un terrain en friche ou d’un bâtiment à l’abandon. Ses limites sont à la fois précises et imprécises. Précises, dans le sens où elles sont géographiquement circonscrites. Imprécises, dans le sens où elles ne sont pas tout à fait socialement circonscrites, c’est-à-dire dont la fonction sociale n’est pas clairement déterminée.

Il existe, en milieu urbain, des zones intermédiaires de type frange. Le bâtiment de la première photo de gauche, situé à l’intersection des rues Saint-Joseph et Monseigneur-Gauvreau dans la portion revitalisée du quartier Saint-Roch de Québec, d’ancien commerce de proximité, est devenu par la suite une piquerie, a été squatté par des SDF, a été placardé par les autorités municipales, a été interdit d’utilisation, et est aujourd’hui un bâtiment tout à fait en phase avec la revitalisation du quartier.

Autre exemple, la seconde et la troisième photos de gauche sont intéressantes à plus d’un égard, car elles témoignent de la transformation d’un local commercial en frange visuelle en l’espace d’à peine 8 mois. Situé sur la rue St-Joseph dans le quartier St-Roch (Québec), encastré entre un restaurant (à gauche) et un centre communautaire (à droite), il est possible de constater, sur la première photo, que le commerce est sur le point de fermer ses portes, car il y a une affiche indiquant « Vente fin de bail » (le commerce a définitivement fermé ses portes le 30 juin 2014).

Sur la troisième photo, il est possible de constater que la façade du même local a subi une métamorphose impressionnante : de bâtiment à la fonction sociale précise, il est devenu un bâtiment à la fonction sociale imprécise. L’espace restreint de la façade de ce bâtiment est clairement devenu une frange. À quelques reprises, j’ai vu là des hommes uriner, d’autres fumer des joints, d’autres faire des transactions illicites, et en ce sens, il est pertinent de souligner que l’état de délabrement d’un espace donné incite aux incivilités (théorie de la vitre brisée) et à certaines formes de criminalité.

Comme le souligne le chercheur Georges Vignaux, on pourrait baptiser aussi ces espaces : « les marges » au sens de l’abandon, du sans destination, du non affecté, de la « zone », « à ban » comme on disait autrefois pour désigner l’espace des bannis et qui a donné « la banlieue ». Cela rejoint la notion de frange visuelle.

© Texte : Georges Vignaux, Pierre Fraser, 2018
© Photos : Pierre Fraser, 2016